Zoom sur : la nouvelle économie des plastiques

En réponse au constat d’une érosion de la biodiversité liée aux déchets aboutissant en milieux marins, en Méditerranée, la Fondation Ellen MacArthur a initié une réponse au problème, basée sur l’économie circulaire du plastique.

Publié le 05/01/2023 (mis à jour le 05/01/2023)

Cette vision proposée dans les deux rapports se nomme "La nouvelle économie des plastiques". L’objectif est clair : sortir du triptyque actuel "extraire-fabriquer-jeter" et ainsi lutter contre les nombreux impacts néfastes du plastique tel qu’il est produit et utilisé aujourd’hui, en s’attaquant au problème à la source.

 

REPENSER L'AVENIR DES PLASTIQUES

Les plastiques et particulièrement les emballages plastiques sont au cœur de notre économie actuelle. La production des emballages plastique a été multipliée par vingt depuis 1964, tandis que cet usage représente 26% du volume total de plastique produit.

Si la production de plastique n’a fait que croître d’année en année, plusieurs limites sont apparues avec le temps. Aujourd’hui, après un premier cycle d’utilisation, 95% de la valeur des matériaux plastiques est perdue chaque année. Par ailleurs, seulement 14% des plastiques sont collectés à des fins de recyclage, 14% d’incinération, tandis que 32% sortent complètement du système de collecte. En somme, 72% des emballages plastique ne sont pas récupérés. Ainsi, les emballages plastiques sont presque exclusivement destinés à un usage unique. De plus, le coût des externalités négatives liées à la production d’emballages plastique y compris le coût lié à leurs émissions de gaz à effet de serre est de 40 milliards de dollars par an, coût étant in fine supérieur aux profits réalisés par cette même industrie. Par ailleurs, la production d’emballages plastique repose essentiellement sur les énergies fossiles, représentant plus de 90% de sa matière première. En 2050, si l’on s’en tient aux courbes prévisionnelles de production de plastique, 20% de la production de pétrole lui sera destinée. 

Enfin, les impacts négatifs de cette industrie s’illustrent par trois enjeux majeurs : la dégradation des systèmes naturels liée aux fuites des emballages dans l’environnement et en particulier dans les océans, les émissions de GES dues à la production et l’incinération des déchets et, les conséquences sur la santé et l’environnement des substances préoccupantes. Chaque année, 8 millions de tonnes de plastique en moyenne sont déversées en mer, tandis que les emballages plastiques représentent l’essentiel de ces fuites. Ainsi, à l'échelle internationale, 62% des déchets recueillis en mer sont en plastique. Mais ce n’est pas tout, le coût des émissions de gaz à effet de serre induites par la production et l’utilisation des emballages plastique à l'échelle mondiale est de 23 milliards de dollars pour le patrimoine naturel, émissions estimées à 390 millions de tonnes en 2012. Quant aux substances dangereuses contenues dans les emballages plastiques, c’est environ 225 000 tonnes qui pourraient être libérées chaque année dans les océans et qui pourraient atteindre 1,2 million de tonnes d’ici à 2050. Bien que de nombreuses innovations aient vu le jour durant ces dernières années, la chaîne de valeur du plastique reste trop fragmentée et ne semble pas faciliter la coordination et l’uniformisation des normes concernant  la régulation des emballages plastiques à l’échelle mondiale. 

Le constat est clair, malgré certains avantages liés à l’utilisation des plastiques, les inconvénients nous obligent à repenser les fondements de cette industrie polluante.

Ainsi, "La nouvelle économie des plastiques" vient repenser le système actuel pour proposer des solutions et alternatives aux défaillances soulevées précédemment. L’objectif repose sur l’élimination des déchets plastiques par la mise en œuvre d’une économie circulaire via la réutilisation des matières premières sous forme de nutriments techniques ou biologiques.

Trois axes d’amélioration sont visés : 

  • Création d’une économie de fin de vie des plastiques,
  • Réduire les fuites de plastiques vers les milieux naturels,
  • Découpler la production de plastique de l’utilisation des matières premières fossiles.

Plusieurs avantages de cette nouvelle économie sont ciblés. La création d’un marché pour les plastiques usagers permettrait d’inciter à créer des infrastructures de collecte et de traitement permettant de réduire les fuites. Pareillement, la réutilisation, le recyclage et le développement de matériaux plastiques issus de ressources renouvelables participent à la diminution des émissions des GES. Enfin, la recherche, la transparence et le développement de substances non toxiques participent à la réduction des risques sanitaires et environnementaux liés aux plastiques.

 

METTRE EN OEUVRE UNE NOUVELLE ÉCONOMIE DU PLASTIQUE

Cette nouvelle économie du plastique repose sur trois axes : 

  • Sans innovations et révision radicale de la conception, près de 30 % des emballages plastiques ne seront jamais réutilisés ou recyclés,
  • La réutilisation représente une alternative économiquement intéressante pour au moins 20 % des emballages plastiques,
  • Grâce à des mesures concertées sur la conception et les systèmes de traitement, le recyclage présenterait un intérêt économique pour les 50 % d’emballages plastiques restants.

L’innovation et la révision radicale de la conception concerne quatre segments des emballages plastiques : les emballages de petit format (exemple : sachets, couvercles, pellicules détachables, emballages de pailles, etc.) , pluri-matériaux (exemple : les alliages de plastique et d'aluminium), les matériaux des emballages de plastique rare (exemple : le PVC, les PS et les PSE) et ceux contaminés par des nutriments (exemple : capsules de café, emballages servis dans les fast-foods, etc.). En effet, dû à leur petite taille, à leurs alliages complexes, des volumes et des quantités moins importantes que d’autres types de plastique,  des barrières économiques et techniques se créent et les empêchent d’être collectés puis revalorisés.

À défaut de pouvoir considérer des alternatives de recyclage ou de réutilisation pour ces types d’emballages, il est indispensable de travailler sur l’innovation, la révision de la conception, les formats, les modèles de livraison et les systèmes de traitement.

En effet, aujourd’hui, ces emballages qui représentent environ la moitié des emballages plastiques sont mis en décharges, incinérés ou valorisés énergétiquement. Plusieurs solutions ont été identifiées pour pallier ce problème : revoir la conception du petit format de ces emballages et des modèles de livraison (exemple : l'emballage de la canette ou l’introduction de la consigne), trouver des alternatives recyclables aux emballages multi-matériaux qui ne le sont pas aujourd’hui (exemple : recyclage thermochimique, dispositifs de séparation des couches de matériaux post-utilisation, etc.).

Ensuite, la réutilisation joue un rôle majeur dans la transition vers la nouvelle économie du plastique. La société est “prête à accepter des alternatives réutilisables” aux produits consommés aujourd’hui, tandis que l’équivalent de 9 milliards de dollars d’emballages plastiques pourraient être réutilisés. 

Enfin, le recyclage apparaît comme un pan entier de la transition. Ici, le rapport préconise la naissance d’un Protocole Mondial sur les plastiques, intégrant des normes quant à la conception des emballages, mais aussi des systèmes de traitement après usage tout en prenant en compte les particularités régionales. L’objectif serait d’augmenter l’attractivité du recyclage par rapport à la mise en décharge, l’incinération ou la revalorisation énergétique. Chaque tonne d’emballages plastiques mélangés collectée passerait selon les prévisions du rapport de 190 à 290 milliards de dollars. En parallèle, cela contribuerait à augmenter la productivité des ressources et à baisser les externalités négatives.

La Nouvelle économie du plastique s’appuie sur une approche systémique impliquant les parties prenantes de l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la conception des plastiques en amont, aux recycleurs en aval. Un plan d’action avait donc été établi pour 2017 tandis que 10 millions de dollars ont été récoltés pour l’initiative en parallèle de 40 parties prenantes intégrées. Plusieurs axes d’action ont été prévus pour initier le projet :

  1. Assurer un mécanisme de dialogue
  2. Définir un protocole mondial sur les plastiques
  3. Lancer des projets d’innovation
  4. Définir une base de données
  5. Encourager l’engagement des parties prenantes